Paris, tu me fatigues. Je te cours après comme une folle. Je marche dans tes ruelles et boulevards comme un saltimbanque. J’erre comme un métèque, ou le suis-je moi-même. Et là je te demande pitié. Je suis lasse. Mes jambes ne me supportent plus. Elles me font la guerre et demandent le repos. Mes yeux sont hagards, ils ont beaucoup vu, ils demandent la fermeture du rideau.
Mon nez aussi en a marre du pollen. A parcourir tes beaux jardins, par ce beau printemps, à sentir mille et une fleurs, à contempler la floraison des arbres. Il a besoin d’air et tu l’étouffes. Tu es là, toujours beau et fleuri. Et il ne sent que toi.
Paris, tu me rends dingue. Mes oreilles sont lasses de guetter tes bavardages. Ma tête se remplit d’histoires chopées dans le métro, ou devant un magasin, ou dans la queue d’un MacDo. Toutes divergentes et différentes. Il y a beaucoup de monde autour de toi. Et tu ne t’en rends pas compte, Narcisse que tu es. Je vois, tu n’aimes pas les gens. Tu es aussi misanthrope que moi. Ou bien, c’est ton caractère qui s’est transcrit en moi. Tu m’influes, tu me changes, tu me métamorphoses. Et tu disparais.
Paris, tu me chagrines. Mon cœur est malade chaque fois qu’il te voit. Tu es là, beau et grandiose, tu l’ignores, tu joues le fier. Et lui, il te court après, épris et amoureux. Le regarderais-tu enfin ? Aurais-tu enfin pitié de lui ? Tu vois qu’il souffre sa solitude. Il regarde les amants s’embrasser, dans chacun de tes carrefours, que l’amour rafraîchit au printemps. Oui, tu lui offres un amour fugitif mais tu t’abstiens. Tu le laisses dans ses rêves et ses divagations, et tu disparais à jamais. Ne te reverrait-il pas que dans l’éternité ?
Paris, tu me rends malade. Mon âme souffre le martyr depuis qu’elle t’a connu. Et elle aime de plus en plus sa souffrance. Tu es sa muse, sa verve. Grâce à toi, elle s’exalte et s’enivre, elle est transportée vers d’autres cieux. Tu l’as promue artiste, elle, qui n’en demandait pas tant. Tu l’applaudis, tu l’encourages, tu la soutiens dans sa maladie.
Et Paris, tu sais te faire pardonner. Par une chanson, par une danse, par un spectacle à la rue, tu traverses mes sens jusqu’à mon cœur, tu effaces ma tristesse ou ma colère et tu rétablis mon amour pour toi. Je capte tes incarnations qui me soufflent, en moment de détresse, mademoiselle vous êtes très belle ; et là, je succombe à ton charme, je m’éprends de tes gestes délicats et tes douces paroles.
Enfin, Paris, mon Paris je t’aime. Je te porte depuis neuf mois déjà, je t’étreins, je te berce. Ne me reproche pas si ton avènement tarde à venir. C’est moi qui l’en empêche, Paris, pour être avec toi.