vendredi, avril 17, 2009

"Qu'est ce que l'hymen?"

Il y a cet arrière goût d'inachevé dans mon éducation. Ces tabouts dont on ne parle jamais, ces discussions qu'on tait, volontairement ou inconsciemment, par peur, par respect. Notre société est un paradis de psychologues. Freud y aurait joui. Les complexes y sont ancrés, solides, imperturbables; pire encore, on ne cesse de les construire, de les creuser, et on se plait à ce goût d'interdit, à ce goût de frustration, d'auto-censure. C'est là notre plaisir quotidien, à se poser encore et toujours les mêmes questions, à avancer à reculons, ne jamais aller plus loin, comme prisonnier dans une cellule sentant la moisissure.
Je m'étonne souvent que ce bout de chair, l'hymen, ait pris des dimensions inégalables, que l'existence d'une femme soit condamnée à le préserver, à le chérir, jusqu'à le diviniser. Qu'il ait suscité des débats infinissables, des lois, des règles, de l'énergie. Des progrès médicaux, jusqu'à essayer de le réinventer. Toute une éducation, tout un processus d'aliénation. C'est quand même infâme ce qu'on impose à la femme. Il y a dans ma tête comme une puissance divine qui m'empêche de jouir. C'est plus fort que moi, ce goût d'interdit, d'infâme, de diabolique.
Il est de mon plein droit de me demander ce qu'est l'hymen. Cette chose m'appartient, elle est à moi comme me sont propres mes yeux, mes narines, mon trou du cul. Je vois mal la société décider à mon insu de ma cécité, il en va de même pour ma virginité. Seulement, elle le fait; elle est plus forte encore que je ne l'aurais jamais imaginé. Elle est là, partout, comme un dieu omniscient, omniprésent, et je ne puis imaginer mon hymen indépendamment de sa présence. Il y a une sorte de cordon ombilical qui les soude, et que je ne peux couper par mes propres moyens. Et jusque là, je continuerai à taire en moi mille et une questions, sur l'hymen, sur l'amour, sur le mariage, sur le désir, sur le plaisir, sur le sexe, sur le pénis, sur le vagin, sur l'hymen encore, sur l'orgasme, sur la souffrance, sur le sang, sur l'honneur, sur le respect, sur la levrette, sur le baiser, sur l'hymen toujours, sur la féminité...

PS. le titre est le début d'un paragraphe dans un livre de F.Boyer, Orphée. Je n'ai pas le bouquin là, mais j'essaierai de le publier (un jour :p)