mardi, février 17, 2009

Disparus

Je ne peux pas t'imaginer chauve. J'ai déjà essayé, tu sais. J'ai fermé les yeux, les ai ouverts, pris ta photo entre mes mains, essayé de couper ta chevelure. Je n'y arrive pas. Dès que tes cheveux disparaissent de ma mémoire, mes yeux jaillissent comme une fontaine. C'est plus fort que moi.
Je ne peux pas oublier tes cheveux. Je crois que c'est la partie qui me manque le plus chez toi quand je suis loin. Depuis qu'on arrêté le bisou du matin et le câlin du soir, c'est ma main dans tes poils qui me fait réaliser que tu es là. C'est indigne de toi, je sais, de te réduire à une touffe de poils, alors que tu es tellement de choses, tu es ton sourire, tes yeux, ton cou, tes mains chaudes, tes cuisses pleines de graisse qui tremblent quand tu te dandines. Mais tes cheveux.. c'est tout autre chose. C'est qu'ils sont tellement soyeux.. sans boucle aucune, sans frisottis, sans racines grasses ni pointes sèches, sans brushing, au naturel, mes doigts y retrouvent le calme, et je suis heureuse.
Je fais des cauchemars à les savoir disparus. Je n'arrive pas à t'imaginer vide au dessus, sans ta chevelure, que je n'arrive même plus à nommer, qui devient un interdit, soit, sans la chose. C'est comment alors? Une peau de bébé? Des fesses au dessus de la tête? Tu as mis une perruque? Un bonnet? Comment tu fais pour les laver? Tu les regardes tous les jours? Tu te regardes? Je peux ne pas les voir?
Je deviens dingue. Il y a un arrière de goût amer, chaque fois que j'avale ma salive et j'ai envie de gerber chaque fois que je te vois. C'est moche. Mes doigts sont expatriés, ils sont perdus, je crois même qu'ils ne servent plus à grand chose, elle est où la trançonneuse? Tu es là, devant moi, sans la chose, et je n'arrive toujours pas à t'imaginer. Alors je loge ma tête dans ta poitrine, pour ne plus voir, et je laisse jaillir mes yeux.

mercredi, février 11, 2009

Infinitif

Se rencontrer. Sourire, timidement, doucement, avoir ce regard curieux de l'autre, curieux de tout. Pencher la tête, à droite, à gauche, pour optimiser la réception du son.

Parler. Se raconter, le temps d'un verre, d'une soirée. Se muscler la langue, n'est-ce pas, dire et redire, parloter, de tout et de rien. Sourire, encore, de ces histoires qu'on apprend, de sa curiosité assouvie, se connaître, sourire. Parler encore, de ses expériences, mentir, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, des mensonges de gamins, qui se lisent au bout des lèvres, dans la lueur des yeux, dans le timbre de la voix. Sourire encore, faire semblant, jouer la comédie, y croire, mentir à son tour, se raconter, se vider, se récréer, se souvenir, s'inventer, se raconter. Libérer son cœur, depuis longtemps solitaire, ratatiné par la poussière, baratiner, laisser parler encore, se venger de son passé-silence, faute d'avoir un interlocuteur.

Se rencontrer encore, rencontrer d'autres orateurs, écouter, parler, rétorquer. Se raconter, encore et toujours, rire, sourire, de ses histoires, de ses mensonges.

Et puis, se lasser. De l'autre, des autres, toujours les mêmes, être excédé, fuir, rêver d'autres rencontres, pour se raconter encore. Changer d'oreilles, changer de voix. Se rencontrer encore, se raconter de nouveau, les mêmes histoires, les mêmes souvenirs, sourire jusqu'à en avoir des crampes à force de forcer, apprendre à rire, draguer, se faire draguer, rêver, penser. Se lasser encore, et fuir à jamais.

Exécrer sa solitude, éveiller sa curiosité, faire l'effort, se rencontrer encore, se raconter, se lasser... ETC.