dimanche, novembre 30, 2008

Le livre sur l'étagère

Tutu rose et demi-pointes. Bonsoir Marie-Claire. Je rejoins le groupe de gamines. François commence à balader ses mains sur les touches du piano, et avec le son qui se répand, nos corps, souples car jeunes, désinvoltes, commencent à s’envoyer en l’air, sans connotation, s’il vous plaît, s’envoyer en l’air au sens premier, sortie de la bouche d’une gamine de sept ans. Contemplez le mouvement : une troupe de fillettes en demi-pointes et tutu rose, au corps agile, sautille ardemment, puis ralentit, fait la révérence, passe en deuxième, tourne en rond, se jette à terre, se relève prestement, fait le salut final, avec le piano qui signe la dernière note. Un souvenir débordant de beauté. La beauté d’un corps de sept ans à peine, sans ride aucune, sans courbure, sans déformation due à l’âge ou au stress. La beauté des lèvres timidement scintillantes, grâce au mini rouge à lèvres piqué dans le sac de maman. La beauté d’un mouvement infantile, qu’on a répété vingt fois dans sa tête comme pour apprendre la table de deux. La beauté d’yeux qui brillent devant maman dans le public qui a soupçonné mon vol mais qui est si fière de sa fille qui se mue avec la délicatesse d’un cygne de Tchaïkovski.

Quinze ans plus tard, je suis dans ma chambre d'interne, et je revois ces images à chaque fois que je lis le titre d'un Elie Wiesel qui traîne sur l'étagère. Un désir fou de danser. Et je souris à la fin du spectacle en me disant : c’est beau une fille qui danse. Car aujourd’hui, je me traîne ce corps fat et lourd qui atteint à peine ses lacets, qui se morfond dans sa paresse. Des fois, l’envie me prend, je mets la musique, je ferme les yeux et je laisse le rythme transpercer mon corps et parler à mes muscles. Alors je bouge, de tous mes membres, de toutes mes parties, dans un mouvement désordonné et hasardeux. Mais bientôt je tombe de fatigue, le souffle me manque. Ce n’est pas la danse qui me lasse, ce sont mes gestes disgracieux, qui vont dans tous les sens, sans beauté aucune. Alors je me dis que je ne serais plus jamais cette fillette de sept ans en tutu rose et demi pointes qui danse sur une valse de Chopin. Et je me replie sur moi même, essayant de noyer ce désir fou de danser.

lundi, novembre 24, 2008

[Tag] Impudique



Un ménage à trois sur scène, c'est essentiellement ce que je suis allée voir, je trouvais ça bizarre, impudique, et excitant, juste ce qu'il fallait pour mes hormones en fureur :p Mais j'ai eu en supplément un concentré d'amour et d'émotions qui m'ont laissée sans voix, je crois même que j'ai eu les larmes aux yeux pendant la pièce.
Nus dès la première scène, les personnages s'offrent à nous sans artifice; tout de suite on adhère. Ils sont débarrassés du poids de la société, des bonnes manières, des codes de conduite, et nous aussi. Leur nudité est une partie du jeu, on s'y habitue, on trouve ça normal, sans pour autant tomber dans la banalité, car le spectacle était assez osé.
Il est question non pas de pornographie, mais d'érotisme, de fantasmes, et qui n'en a pas. Par amour, Léa accepte d'offrir à Paul, son amant, de réaliser son fantasme: un ménage à trois avec un homme. Elle le fait, non pas par lassitude ou désespoir, mais par amour du désir: "elle aime avec son cul" et le plaisir est sa seule preuve d'amour, le plaisir vrai, éternel : l'orgasme. Car c'est l'orgasme qui rendra son histoire avec Paul éternelle, son âme sera là à chaque orgasme, et c'est comme si elle n'était jamais partie.
Les jeux de lumière sont bien associés, du sombre au clair, de la lumière au noir, comme la pièce elle même qui mélange la conscience et l'inconscient. Le décor est simple mais parfait, avec le petit rideau au fond de la scène, séparation entre le monde et l'inconscient de Léa, où on voit ses fantasmes. La musique est géniale, avec l'effervescence du violon dans la scène où tous les trois ont eu un orgasme simultané.. orgasmique. J'ai aussi aimé la petite danse à trois, la scène où elle rit à plein cœur, trop beau. Le jeu des comédiens est magnifique, surtout Léa.
En résumé: j'ai vraiment aimé la pièce. Vrai, sans mensonge, impudique: elle traduit bien la lutte que nous vivons tous les jours contre notre inconscient; nos mécanismes de frustration toujours en éveil, pour ne laisser passer aucune folie, aucun fantasme.

Pour ceux que ça intéressent, dépêchez vous, c'est jusqu'au 13 décembre au théâtre Clavel - 3 rue Clavel 75019 - Jeudi, vendredi, samedi à 21h30.
Pour d'autres avis sur la pièce, allez chez:
Exblonde
Marou