Mamouch chérie,
Pour ta fête cette année, je suis loin. Je suis loin de toi; loin de ton coeur, loin de ton sourire. Je m'éloigne de plus en plus. Je m'éloigne de tes histoires, je m'éloigne de ta vie.
Je ne serai pas là pour t'offrir un cadeau. Je t'aurai dit vaguement au téléphone, joyeuse fête, je t'aime, tu me manques... Mais je pense que je me tairai. Si seulement je pouvais faire autrement...
Maman, je suis désolée..
Mon silence te tue. Je sais. Mais c'est mon caractère. Tu le sais, le mutisme est ma seule arme. Je perds l'usage des mots dès qu'il s'agit d'émotions. J'ai peur de te blesser, d'être la fille ingrate, oh non, je ne me permettrai jamais. Autant mourir.
Je n'ai plus rien à dire, Maman. Mes mots sont perdus, mon coeur s'est endurci. Je n'ai plus rien à raconter. Je t'ennuis, je m'ennuis. Ce n'est pas de ma faute. Au téléphone, je te réponds à peine. Je pense à autre chose en te parlant. Tu l'as remarqué, je suis distraite. Rien ne m'intéresse. C'est ma nouvelle doctrine, Maman. Ce n'est pas par mépris que je le fais.
Tu t'acharnes à savoir si je suis déprimée... Oui, je le suis. Est-ce un péché? Je ne peux être autrement. Il fait gris dehors, il fait moche, et on déprime comme on boit de l'eau dans ce coin. C'est petit autour de moi, j'étouffe. Et si je sors, j'ai des remords.
Et pour mes études, la vieille ritournelle. Tu ne t'en es jamais souciée avant. Pourquoi faut-il que tu t'emmêles aujourd'hui? J'ai du mal à me satisfaire, si je dois encore ne pas décevoir mon entourage, je ne pourrai plus rien faire. Je ne fais rien déjà, je suis bloquée, je perds mes moyens. Je demande la paix. Qu'on m'oublie enfin, pour un petit délai. Peut être que je reprendrai mes forces.
J'aurai aimé une fête plus joyeuse. Te raconter ma vie, mes exploits, mes découvertes, mes amours. Mais j'en ai pas. Je suis vide, vide de toi ma mère.
Je sais que je t'aime, j'en ai la certitude au fond de moi. Si seulement j'avais assez de force pour te le faire comprendre...
Enfin... je t'offre ceci... Je pleure quand je l'entends, quand je la joue... Je t'aime.
[Ommi - Marcel Khalife]